Les assureurs ont-ils mesuré l’ampleur de la réforme du droit des contrats ?

Jean-Marie Gueguen
Avocat Associé
PDGB AVOCATS

 

  • Quelles sont les conséquences concrètes de la réforme du droit des obligations pour les assureurs ?

Si le terme « contrat d’assurance » disparaît désormais du Code civil en n’étant plus cité en exemple de la notion de contrat aléatoire, la réforme des obligations impacte néanmoins en profondeur le contrat d’assurance.

La prévalence du droit spécial des assurances est renforcée par la reconnaissance du caractère supplétif du droit commun des contrats, désormais énoncée dans le Code civil. Mais, dans le même temps, le « nouveau » droit des obligations par sa transversalité et sa vocation d’application générale vient tout de même modifier le droit du contrat d’assurance et/ou ouvrir des options inédites aux assureurs.

Ainsi, à titre d’illustration, la notion de contrat d’adhésion, dont l’exemple historique est le contrat d’assurance, obéit désormais à un régime légal inédit (pour la première fois dans le Code civil) qui introduit, pour toutes les parties y compris les non-consommateurs, la notion de « déséquilibre significatif » très semblable à celle des « clauses abusives » ainsi que de nouvelles obligations de remise préalable et d’acceptation des conditions générales.

La notion d’imprévision, grande nouveauté, semble-t-il supplétive de la réforme, apparaît d’ores et déjà prise en compte par le droit des assurances. Mais si les nouveaux mécanismes de correction de l’imprévision introduits par le Code civil ne sont pas expressément écartées par la volonté des parties exprimée dans le contrat d’assurance, ils pourront avoir vocation à s’appliquer, avec des conséquences actuellement totalement imprévisibles.

La notion d’obligation essentielle introduite par la réforme dans le Code civil est connue du droit des assurances prétorien sous la forme des obligations de couverture du risque et de règlement du sinistre. A présent, ces obligations ne pourront vraisemblablement plus être contredites, notamment par des conditions de garantie trop restrictives. Ainsi, ces obligations essentielles du contrat d’assurance sont protégées au-delà même des seules clauses d’exclusion (comme cela est seulement prévue par le Code des assurances).

On peut encore citer les cessions de créance, très usitées en assurance auto pour payer les réparateurs notamment, qui voient leur formalise réduit par le passage de la signification par huissier à la notification.

  • Les assureurs ont-ils mesuré l’ampleur de cette réforme dans leur pratique ?

Les assureurs n’ont pas encore tous pris conscience que la majeure partie de leurs contrats à échéance annuelle et renouvellement par tacite reconduction sont désormais systématiquement régis par le nouveau droit commun des contrats.

Ainsi, l’essentiel des contrats renouvelés depuis le 1er octobre 2016 est déjà, parfois à l’insu de certains assureurs, soumis au droit du contrat réformé et à ses mécanismes nouveaux. Or, même si les nouvelles dispositions sont souvent supplétives, il convient que les parties, l’assureur ou l’assuré, prennent systématiquement position sur les nouvelles options ouvertes, en les acceptant ou en les écartant. A défaut, les nouvelles dispositions issues de la réforme s’imposeront aux contrats conclus avant la réforme mais renouvelés ensuite.

Par ailleurs, la réforme offre aux assureurs de nouvelles opportunités rédactionnelles. Par exemple, peu d’assureurs ont intégré dans la rédaction de leur contrat une disposition simple et efficace rendue possible par la réforme de la subrogation légale du Code civil. Cette nouvelle disposition permet de prévoir, au moment de la conclusion du contrat, que la subrogation sera automatique dès le paiement de l’indemnité par l’assureur et ce, que celui-ci soit intervenu en exécution des termes du contrat ou à titre de geste commercial. La mise en œuvre de cette disposition pourrait permettre d’aller au-delà de la subrogation légale en vigueur aux termes du Code des assurances et de tarir une jurisprudence parfois rigoureuse sanctionnant le défaut de concomitance entre le paiement et l’acte de subrogation.

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