Ordonnances « Macron » : premières réflexions sur les conséquences en protection sociale complémentaire

Suite à la réforme du droit du travail opérée par les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017  (1), se pose la question des conséquences de ces nouvelles dispositions en matière de protection sociale complémentaire.

Il est indispensable pour les acteurs de cette matière de s’y intéresser, dès lors que certaines d’entre elles impactent les conditions et les modalités de mise en place, mais également de modification, des régimes.

• Articulation entre les conventions de branche et les accords d’entreprise

L’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective clarifie l’articulation entre les conventions de branche et les accords d’entreprise en matière de protection sociale complémentaire.
Désormais, dans certains domaines, dont celui des « garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-2 du Code de la sécurité sociale », il est prévu que la convention de branche prime sur la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement, sauf lorsque cette dernière assure des « garanties au moins équivalentes ».
Toutefois, que faut-il entendre par « garanties au moins équivalentes » ? S’agit-il des prestations, du taux de cotisation, de la répartition employeur/salariés ou de l’ensemble de ces éléments ?

• Conclusion des accords d’entreprise

En matière de protection sociale complémentaire, l’entrée en vigueur des nouvelles règles de conclusion des accords d’entreprise, issues de la loi « Travail », était initialement prévue le 1er septembre 2019. Finalement, cette date est avancée.
Ainsi, dès le 1er mai 2018 :
– pour être valable, un accord collectif devra être signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections et,
– lorsque l’accord sera signé par des organisations syndicales ayant recueilli entre 30 % et 50 % des suffrages exprimés, les organisations syndicales, ou l’employeur en l’absence d’opposition de celles-ci, pourront demander l’organisation d’un référendum visant à valider l’accord.

En pratique, ces nouvelles règles risquent de soulever des difficultés dans les entreprises où les dispositifs de protection sociale complémentaire sont formalisés par ce biais.

A titre d’illustration, évoquons l’hypothèse d’une entreprise dont le contrat d’assurance serait résilié au 31 octobre. Elle serait alors contrainte de rechercher un autre organisme assureur et de négocier un nouveau contrat, dans un délai de deux mois. Dans le même délai, un avenant à l’accord formalisant le régime devrait être conclu.

En l’absence d’accord majoritaire, l’employeur pourrait solliciter un référendum. Toutefois, les organisations syndicales pourraient s’y opposer, ce qui conduirait à une situation de blocage. En l’absence d’opposition des organisations syndicales, une consultation des salariés et une communication auprès de ces derniers devraient être mises en œuvre.
Or, il sera très difficile de réaliser l’ensemble de ces démarches entre le
31 octobre et le 31 décembre.

• Négociation dans les entreprises non dotées de représentation syndicale

En vue de faciliter la négociation dans les entreprises non dotées de représentation syndicale, l’ordonnance susvisée permet à l’employeur, dans les entreprises dont l’effectif ne dépasse pas 20 salariés et dépourvues de délégué syndical, de soumettre aux salariés un projet d’accord pouvant porter, par exemple, sur la protection sociale complémentaire. L’obtention d’une majorité des deux tiers des salariés est nécessaire pour valider cet accord.

Or, le Code de la sécurité sociale prévoit déjà un référendum spécifique à la protection sociale complémentaire, avec ratification du projet d’accord à la majorité des intéressés.

Si cette possibilité offerte à l’employeur n’est donc pas une nouveauté dans notre matière, il convient toutefois de s’interroger sur l’articulation entre ces deux référendums et les majorités différentes qu’ils prévoient, ainsi que sur l’intérêt du nouveau mécanisme dans ce domaine.

• Fusion des institutions représentatives du personnel

L’ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique prévoit une fusion des institutions représentatives du personnel. Plus précisément, un comité social et économique (CSE) se substituera :
– dans les entreprises d’au moins 11 salariés, aux délégués du personnel (DP) et,
– dans les entreprises d’au moins 50 salariés, aux DP, au comité d’entreprise (CE) et au comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail. (CHSCT)

A ce jour, le Code du travail prévoit que le CE est informé et consulté en cas de mise en place ou de modification d’une garantie collective. Tel n’est donc pas le cas pour les entreprises de moins de 50 salariés, ou celles de plus de 50 salariés dépourvues de CE suite à une carence aux élections.

A compter de la date d’effet des nouvelles dispositions, soit le 1er janvier 2020 au plus tard, c’est donc le CSE, qui devra être informé et consulté sur ce sujet.
Cette modification entraîne donc une harmonisation de la situation des entreprises de moins de 50 salariés, ou de plus de 50 salariés mais dépourvues de CE, d’une part, et des entreprises de plus de 50 salariés, d’autre part.

Par ailleurs, la reprise par l’ordonnance du principe selon lequel « les projets d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à la consultation du comité » amène à s’interroger, à nouveau, sur la nécessité d’une consultation en cas de mise en place ou de modification des régimes de protection sociale complémentaire par accord collectif.

(1) Les ordonnances publiées au JO sont d’application immédiate et sont donc entrées en vigueur le
24 septembre 2013. Toutefois :
– certaines mesures :
– ont des dates d’effet spécifiques (ex : accord majoritaire) et,
– devront faire l’objet de décrets d’application (ex : fusion des IRP). Selon leur contenu, ces décrets pourraient modifier l’équilibre des ordonnances.
– les nouvelles dispositions n’auront force de loi qu’après avoir été votées au Parlement. La lecture définitive du projet de loi de ratification des ordonnances devrait avoir lieu début 2018.

 

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Cabinet RIGAUD AVOCATS

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