Réglementation anti-blanchiment : à peine transposée, aussitôt complétée

Le rythme des réformes s’accélère encore un peu plus en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (« LCB-FT »). Quelques jours après l’entrée en vigueur des principales dispositions du décret dit bénéficiaire effectif(2) , deux nouveaux textes sont appelés à renforcer le dispositif : la cinquième directive LCB-FT(3) et la loi PACTE, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale(4). Ces deux textes s’inscrivent dans une même tendance : accroitre la transparence globale de l’environnement économique et financier et adapter le dispositif LCB-FT aux évolutions technologiques.

La cinquième directive impose aux Etats membres d’ouvrir « à tout membre du grand public » l’accès au registre des bénéficiaires effectifs(5). Ces derniers auront accès au moins « au nom, au mois et à l’année de naissance, au pays de résidence et à la nationalité du bénéficiaire effectif, ainsi qu’à la nature et à l’étendue des intérêts effectifs détenus »(6) . Plus encore, la cinquième directive précise que les Etats membres pourront donner accès à des informations supplémentaires permettant l’identification du bénéficiaire effectif, comprenant notamment sa date de naissance ou ses coordonnées(7). Toutefois, les observateurs attentifs auront noté l’absence de définition de la notion centrale de « membre du grand public ».
Parallèlement, l’Assemblée nationale a voté en première lecture(8) le projet de loi PACTE, actuellement en discussion au Sénat. Les députés en ont profité pour adopter un amendement remarqué, portant sur l’encadrement des prestataires de services sur crypto-monnaie. Si l’essentiel des dispositions de cet amendement porte sur la création d’un agrément optionnel octroyé par les régulateurs, il élargit également la liste des entités assujetties aux obligations LCB-FT. Selon cet amendement, seront désormais obligatoirement assujettis les fournisseurs de services de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou de clés cryptographiques privées ainsi que les plateformes d’échanges de crypto-monnaies en monnaies traditionnelles. Parallèlement, seront assujettis les fournisseurs de services variés (plateforme de change, l’exploitation de plateforme de négociation, RTO, gestion de portefeuilles, conseil, prise ferme, placements garantis et non garantis, tous relatifs aux crypto-monnaies), qui auront obtenu l’agrément facultatif précité.

A ce titre, ces prestataires concernés seraient soumis aux obligations de vigilance à l’égard de la clientèle, et le cas échéant des bénéficiaires effectifs, avant l’entrée en relation d’affaires(9) et en cours de relation d’affaires, mais aussi aux obligations de déclarations de soupçon(10) et de mise en place de procédures internes tenant compte de l’évaluation des risques(11).
Cette application sur la base d’un agrément optionnel parait donc de nature à concilier les différents intérêts en présence : protection et meilleure information de la clientèle et souplesse du dispositif pour un écosystème financier encore jeune mais déjà trop significatif pour être ignoré plus longtemps.

Afin d’évoquer cette question mais également de maîtriser le nouveau décret d’application de la 4ème Directive lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme, la 5ème Directive déjà en pourparlers, les nouvelles pratiques de l’ACPR et de TRACFIN, les derniers retours en matière de lutte contre le blanchiment de fraude fiscale, ou encore le regard du PNF sur les poursuites 2018 en la matière… Nous vous convions au 18ème rendez-vous annuel de la Lutte anti-blanchiment qui aura lieu le 11 décembre 2018 à Paris.

 

Christophe JACOMIN
Avocat Associé
LPA CGR AVOCATS

Maître Christophe JACOMIN interviendra aux cotés d’éminents praticiens et magistrats lors de notre rendez-vous annuel sur la « Lutte anti-blanchiment » qui aura lieu le 11 décembre prochain à Paris.

(1) Cet article a été rédigé le 25 octobre 2018. Les modifications apportées au projet de loi Pacte, dans le cadre du processus parlementaire, postérieurement à cette date, n’ont pas été prises en compte.
(2) Décret n° 2018-284 du 18 avril 2018.
(3) Directive (UE) n°2018/849 du 30 mai 2018.
(4) Projet de loi n°1088 du 19 juin 2018 relatif à la croissance et la transformation des entreprises.
(5) Directive (UE) n°2018/849 du 30 mai 2018, art. 1er, 15), c).
(6) Directive (UE) n°2018/849 du 30 mai 2018, art. 1er, 15), c).
(7) Directive (UE) n°2018/849 du 30 mai 2018, art. 1er, 15), c).
(8) Assemblée nationale, amendement n°2492, 21 septembre 2018.
(9) CMF, art. L. 561-5, L. 561- 5-1, et L. 561-6.
(10) CMF, art. L. 561-15 et s.
(11) CMF, art. L. 561-32 et s.