Décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 et généralisation de la couverture « frais de santé »

Rigaud & associés 16/01/2012 - ParisDavid Rigaud
Docteur en Droit, Spécialiste en droit social, Avocat Associé
Rigaud Avocats
Intervenant EFE à la formation « Prévoyance collective et retraite », les 19 et 20 novembre 2013 à Paris

Deux événements ont récemment bousculé le droit de la protection sociale complémentaire et obligent les acteurs à oublier les réflexes acquis depuis presque vingt ans. Il s’agit de :

  • la décision du Conseil Constitutionnel du 13 juin 2013 et,
  • la loi du 14 juin 2013 qui organise, dans son premier article, la généralisation de la couverture « frais de santé »

Le 13 juin 2013[1], le Conseil Constitutionnel a déclaré l’article L. 912-1 du Code de la sécurité sociale, fondement juridique des clauses de recommandation, de désignation et de migration, contraire à la constitution.

Les spécialistes de droit constitutionnel s’accordent à dire que la décision du Conseil était prévisible compte tenu de la valeur constitutionnelle des principes de liberté d’entreprendre et de liberté contractuelle. Il s’agit donc désormais de tenter d’en tirer les conséquences pratiques dont certaines imposent de changer de paradigme. Ainsi, pour ne revenir que sur deux questions particulièrement récurrentes :

  • les entreprises qui ont souscrit un contrat auprès d’un organisme assureur désigné dans un accord ou une convention de branche retrouvent-elles leur liberté ?

Le Conseil a pris le soin d’exclure « les contrats (…) en cours » des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité. Une analyse des modalités contractuelles (souscription d’un contrat ou adhésion à un contrat souscrit par des représentants de la branche, durée déterminée ou indéterminée du lien contractuel, …) doit donc être opérée au cas par cas afin de déterminer la situation dans laquelle les entreprises se trouvent.

  • les partenaires sociaux peuvent-ils, dans le cadre de la négociation et de la conclusion de nouveaux accords, recommander ou désigner un organisme assureur ?

La lecture de la décision du Conseil ne peut conduire, à ce jour, qu’à une réponse négative. En effet, sans une intervention du législateur, aucune atteinte ne peut être portée aux principes de liberté d’entreprendre et de liberté contractuelle. Reste donc à savoir quelles seront les suites pratiques des accords conclus après la décision du Conseil mais avant l’intervention du législateur…

La décision du Conseil constitutionnel crée donc un vide juridique que seul le législateur pourra combler. En revanche, elle ne modifie en rien le calendrier fixé en matière de généralisation de la couverture « frais de santé ».

Ainsi, d’ici le 1er janvier 2016, tous les salariés devront avoir accès à un régime complémentaire de remboursement de « frais de santé », que celui soit institué au niveau d’une branche ou de l’entreprise.

Le législateur a, pour ce faire, institué un calendrier en trois temps :

  • 1er temps, celui de la négociation de branche du 1er juin 2013 au 30 juin 2014. Rappelons ici que si les partenaires sociaux ne peuvent à ce jour envisager de recommander ou de désigner un organisme assureur, cela n’empêche en rien de négocier, par exemple sur le niveau minimum des prestations ou encore sur la répartition des cotisations entre l’employeur et les salariés
  • 2ème temps, celui de la négociation d’entreprise du 1er juillet 2014 au 1er janvier 2016
  • 3ème temps, celui de la décision unilatérale d’entreprise à effet du 1er janvier 2016

En guise de conclusion, rappelons qu’il est absolument nécessaire de veiller à ce que les régimes ainsi mis en place remplissent l’ensemble des conditions pour que le financement patronal soit exonéré de cotisations de sécurité sociale, et ce afin que le coût de la généralisation ne soit pas augmenté de celui lié à un redressement Urssaf.


[1]     Décision n°2013-672 DC du 13 juin 2013

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